Qu’il est difficile l’art d’être humain ! Alors que certaines valeurs sont importantes à nos yeux, d’autres arrivent dans notre vie alors qu’on ne s’y attend pas forcément. Entre mensonge et sincérité, d’où vient l’illusion ?
Un mensonge par définition est une vérité que l’on cache ou que l’on transforme, une certaine expérience que l’on voudrait faire passer pour la réalité. On veut faire croire consciemment à l’autre (ou à soi-même) quelque chose qui n’est pas réel. Le mensonge s’oppose à la véracité (ce qui est vrai), à la sincérité (expression de sentiment fidèle à ce que l’on ressent) et à la franchise (acte de dire ce qui est vraiment). Le mensonge est une forme de tromperie, une manière de se manipuler ou de manipuler l’autre, même si parfois, tous les arguments sont là pour expliquer la nécessité du mensonge, comme une sorte de justification à son corps défendant. Des idées comme « toute vérité n’est pas bonne à dire ou à entendre », font qu’alors, le mensonge permet de préserver l’autre…. Ne pas se dire pour ne pas blesser l’autre… C’est alors qu’il peut y avoir entrechocs de valeurs. Si je sais que l’autre est sensible au point d’être malheureux, je pourrais avoir envie de ne rien lui dire. Si je l’aime et que j’ai envie de le préserver de toute douleur reliée à mon comportement ou à mes attitudes, le mensonge pourrait prévaloir sur la sincérité.
Mais au fond, que le mensonge soit utilisé pour faire une farce à autrui, pour rendre service à l’autre, ou encore, dans le but de nuire, peut-on vraiment accepter que l’on soit trompé de quelque manière que ce soit ou que l’on se trompe au point de se perdre ?
Lorsqu’on interroge un menteur sur les raisons de son mensonge, celles-ci peuvent être variées. De la préservation de l’image de soi, en passant par l’évitement de conflit, par tact ou par sympathie pour ne pas blesser l’autre, ou encore pour éviter les conflits, quand ce n’est pas dans une action directe d’escroquerie, elles sont pour lui tout à fait valables. Elles ont leur raison d’être. Malgré tout, c’est un abus de pouvoir que l’on porte à autrui, réduisant ainsi l’autre à une « victime » potentiel, à quelqu’un de faible qui ne pourrait pas supporter la vérité. Le mensonge parfois, est relié à un manque de courage pour avancer sur le chemin de la vérité. Dans certaines circonstances, notamment celle de sauver sa peau, il parait nécessaire. Quant au mensonge pour escroquer l’autre, il a souvent l’air plus honnête que la moyenne et est difficilement acceptable et supportable.
Peut-être serait-il préférable alors, si le choix est fait de vivre des choses que nous ne voulons pas partager avec l’autre, d’aborder le sujet ensemble, afin de connaitre sa préférence. Préfère-t-il être tenu au courant de ce qui se passe réellement ou préfère-t-il ne rien savoir pour ne pas souffrir. Cela permettrait certainement de remettre l’autre sur un même pied d’égalité avec soi, hors de l’abus de pouvoir. L’équilibre relationnel passe par la communication et les ajustements communs, où chacun peut alors s’y retrouver en fonction de ses propres valeurs et points de vue.
Pour autant, le mensonge que l’on se fait à soi-même réduit et empêche d’avancer vers son bonheur. Je pourrais aimer une personne et pour autant, ne pas me laisser emporter par cet amour, préférant rester dans l’endroit de moi que je connais bien, me disant que finalement, mon amour pour cette personne n’était pas aussi fort et vrai qu’il pouvait paraître. La peur de reconnaître mon amour pour cette personne en sachant que le sentiment vécu et ressenti en moi est vrai, me maintenant dans le mensonge du non-amour, m’empêchera certainement de m’engager davantage dans la relation, limitant ainsi toute une belle expérience que j’aurais pu choisir de vivre au profit d’une situation limitée, me laissant dans tout ce que je connais déjà.
La sincérité par définition est la retraduction d’une fidélité à ce que l’on pense, ce que l’on sent et ressent, l’expression de sentiments, de pensées, qui sont réels. Elle reflète un souhait de clarté et de transparence avec l’autre. Elle est en relation avec la « parole du cœur » qui est une parole « pure », non transformée, qui ne peut tromper sur ses intentions. Pour Aristote, est sincère l’homme « qui reconnaît l’existence de ses qualités propres, sans y rien ajouter ni retrancher ». La sincérité demande de l’effort, de la volonté et de la détermination, du courage selon les circonstances, parce qu’il est plus facile parfois de mentir que d’être honnête dans l’expression de ce que l’on pense. La sincérité nous amène, à partir du moment où l’on choisit de s’axer sur cette voie, une relation plus intime avec l’autre, parce qu’elle crée la confiance, ce qui permet de laisser tomber les masques qui souvent obscurcissent ou restreignent toutes relations. Elle permet de vivre de la délicatesse relationnelle, un sentiment de sécurité et d’harmonie mutuelle, sachant que l’un et l’autre pourront se dire dans les sentiments, les émotions, sachant qu’ils ne seront ni jugés ni condamnés. La relation qui se créée se base ainsi sur la notion de « crédit », en accordant à l’autre une valeur, le plaçant de ce fait au-delà de la méfiance. De véritables amitiés peuvent alors naître de cet espace de sincérité, que celles-ci soit amicales, professionnelles, sociales ou amoureuses. L’individu apprend alors à s’exprimer dans sa véritable nature d’être humain.
« Le plus dur des combats que j’ai mené contre mon âme est lorsque j’ai voulu l’obliger à être sincère. »
Source : Majmû’ Fatâwâ wa Rasâ’il Shaykh Ibn ‘Uthaymîn, (1/98-100)
Je vous remercie pour cet excellent article que j’ai apprécie lire. J’ajouterai un point de vue qui pourrait être complémentaire. Ne trouvez-vous pas cela étrange que beaucoup de gens ne disent pas la vérité sans s’en rendre compte, incluant nous-mêmes ? Est-ce que cela a commencé par des petits mensonges qu’on a entendu de quelqu’un d’autre, apparemment inoffensifs, et l’habitude s’est installée en nous ?
Maintenant, ces mensonges sont devenus des croyances qui sont bien ancrées dans notre esprit et qui nous empêchent de réaliser notre plein potentiel en créant un doute, une limite sur nos capacités. Je me demande si les mensonges ne sont que des réactions apprises étant jeune afin de se protéger des adultes qui jugeaient nos sentiments ?
Qu’en pensez-vous ?
Merci ! 🙂 Ce point de vue est très intéressant.
La manière dont nous vivons aujourd’hui et dont nous créons notre réalité est certainement la conséquence de ce que nous avons appris et des choix que nous avons faits à chaque moments de notre vie.
Enfant, devions-nous répondre de manière mimétique aux attitudes et comportements de nos parents, pour continuer d’être aimé par eux ? Ou devions-nous nous opposer à leurs attitudes si nous n’étions pas d’accord avec eux, pour continuer de nous aimer nous-même ?
Avons-nous appris à être dans notre vérité qui procure toujours une sensation intérieure de légèreté ou avons-nous contribuer à faire des choses avec lesquelles nous n’étions pas d’accord tout en pensant qu’elles étaient nécessaires pour notre reconnaissance, avec la sensation de lourdeur qui allait avec ?
Quoiqu’il en soit, la chose joyeuse, c’est qu’il n’est jamais trop tard pour apprendre à faire autrement ! 🙂
Merci pour ce partage 🙂